Vous envisagez de réaliser un projet d’éclairage extérieur pour des environnements naturels? Avant de commencer, pensons non seulement au projet, mais aussi aux répercussions de nos décisions.
Il y a quelques semaines, la sonnette d’alarme a été tirée par différents groupes et secteurs, des écologistes aux concepteurs d’éclairage, dont beaucoup font partie de l’APDI (Association professionnelle espagnole des concepteurs d’éclairage), une association liée à JISO par l’intermédiaire de notre responsable de promotion technique, Javier Navarro.
En mai dernier, la mairie de Madrid a présenté le projet «Madrid Río se ilumina» (Madrid Río s’éclaire), un projet pilote qui vise à éclairer un tronçon de 560 mètres du lit de la rivière Manzanares, une section adjacente au barrage 6, entre le pont Oblicuo et la passerelle Andorra, dans les quartiers d’Arganzuela et de La Latina.
Les responsables de ce projet pilote définissent et justifient l’action de la manière suivante:
«Cette action à développer à Madrid Río permettra de doter ce tronçon d’un éclairage ornemental afin de créer une atmosphère mettant en valeur son paysage naturel et ses passerelles au-delà des heures de la journée. Les travaux de génie civil commenceront à la fin du mois de juin, leur délai d’exécution étant de huit mois et ayant un budget de près de 950.000 euros.
La lumière projetée depuis les rives du lit renforcera l’attrait du cadre, en mettant en valeur son architecture, son patrimoine vert et en offrant une expérience nocturne conviviale et plus sûre aux résidents et aux visiteurs. Le projet sera réalisé en ligne avec les critères de renaturation du tronçon urbain du Manzanares, sans réduire les zones avec des espèces végétales consolidées ou celles dans lesquelles il existe un début de développement d’espèces qui s’établiront dans les années à venir.
Au total, 61 projecteurs seront placés, dont 57 le long du tronçon susmentionné et quatre projecteurs plus puissants au niveau du barrage pour mettre en valeur la construction centrale. L’installation est évolutive pour assumer de futures expansions».
Dans une lettre ouverte adressée à la mairie de Madrid, l’APDI tente de la faire réfléchir sur les dommages et les préjudices que ce projet pilote peut causer à l’environnement naturel et aux citoyens.
«De nombreuses expériences et recommandations démontrent que la pollution lumineuse n’est pas évitée uniquement en n’émettant pas de lumière vers l’hémisphère supérieur et de nombreuses études soulignent les dangers de la pollution lumineuse dans les rivières causée par l’éclairage artificiel incorrect de leur environnement (ponts, passerelles et rives). De plus, dans ce cas, l’intention est de projeter de la lumière directement sur le lit, avec un effet négatif certain sur les espèces qui l’ont repeuplé ces dernières années. La vie naturelle nécessite les cycles du jour et de la nuit, un certain nombre d’heures d’obscurité pendant lesquelles certains animaux (et plantes) se reposent, tandis que d’autres espèces développent l’essentiel de leur activité. Par conséquent, il n’existe aucune lumière, aussi faible ou nuancée soit-elle, qui peut être considérée comme respectueuse de l’environnement naturel de la rivière.
Toutes ces preuves scientifiques sont à l’origine de nouvelles recommandations, normes et standards internationaux en matière d’urbanisme, qui prévoient des limitations de l’utilisation de la lumière artificielle dans les environnements naturels ou renaturés. Nous ne pouvons pas oublier le rapport et les recommandations de l’ONU repris dans son document «Dark and Quiet Skies for Science and Society», et le Comité espagnol de l’éclairage avait déjà publié en 2018 un document rédigé par des scientifiques du Réseau espagnol d’études sur la pollution lumineuse dans lequel l’administration est invitée à prendre en considération les risques posés par la lumière artificielle dans les zones peuplées par la faune nocturne et diurne».
De nombreuses études et preuves scientifiques démontrent que l’éclairage artificiel nuit directement à la faune, qu’elle soit nocturne ou diurne.
«Chaque année, la pollution lumineuse provoque la mort de millions d’oiseaux. De nombreux oiseaux migrateurs, tels que les canards, les oies, les bergeronnettes et les oiseaux chanteurs de toutes sortes, ainsi que les oiseaux de mer, notamment ceux qui migrent la nuit, sont particulièrement exposés à l’augmentation de la pollution lumineuse». (Chronique ONU)
Une étude récente publiée dans la revue Iluminet s’intéressait directement à la façon dont l’éclairage extérieur des ponts sur le lit des rivières affectait la faune marine:
«Les mesures montrent que les ponts peuvent induire différents types de scénarios d’éclairage non naturels qui peuvent détériorer ou fragmenter les habitats aquatiques après le crépuscule. De plus, le modèle conceptuel présenté démontre comment les conditions d’éclairage typiques de ponts peuvent induire des réponses comportementales différentes chez les poissons migrateurs.
Les résultats de cette étude soulignent la nécessité de mener d’autres études sur l’impact de l’ALAN (éclairage artificiel la nuit) sur les systèmes d’eau douce, ainsi que des évaluations plus détaillées des environnements lumineux dans les habitats aquatiques». (Iluminet)
En bref, et pour reprendre les termes utilisés par les collègues de l’APDI: «Une installation plus efficace n’est pas toujours la plus durable. Dans les environnements naturels, la lumière la plus appropriée doit être l’absence de lumière».